L'acoustique des salles

 

 

L’importance de l’acoustique des salles de concert


Pour apprécier un bon concert, il faut aussi une salle parfaitement adaptée, le concert du meilleur orchestre symphonique ne donnera pas le même résultat s'il est joué dans une grande salle de sport, en plein air ou dans une salle de concert. Même dans le second cas, chaque salle de concert possède son acoustique particulière, que chaque public apprécie différemment en fonction du genre de musique que l’on y joue. Il est donc difficile de définir quelle devrait être l’acoustique idéale.

De nos jours, grâce à la qualité des enregistrements, et surtout grâce au progrès constant des systèmes de reproduction sonore accessibles aux particuliers, chacun peut avoir une idée très claire de ce qu’il souhaite entendre en concert. Le type de son privilégié aujourd’hui sur les CD, allie souvent une grande clarté avec longue réverbération, cela est possible en studio en utilisant une armada de micros et un traitement numérique souvent complexe. Nais dans une salle de concert, c’est tout à fait autre chose.

Pour la musique sonorisée j’ai déjà entendu des concerts avec une qualité sonore vraiment proche des meilleurs enregistrements de studio, mais hélas j’ai du supporter plus souvent des choses innommables, des sortes de bouillies étourdissantes qui me détruisent les oreilles (les spectacles de la foire au vins de Colmar par exemple). Il est clair que la technique mal utilisée ne peut que détruire la musique même dans la meilleure salle de concert du monde, alors qu’un bon ingénieur du son pourra seulement camoufler un peu certains défauts de l’acoustique d’une mauvaise la salle de concert.


En concert, avec la musique purement acoustique, comme la musique classique, c’est une autre gageure, seule l’acoustique du lieu pourra porter avec plus ou moins de bonheur la musique aux oreilles des spectateurs. De plus, le chef d’orchestre comme les musiciens doivent absolument entendre ce que jouent leurs partenaires, ce qui nécessite aussi un bon retour du son au niveau la scène elle-même. Une salle de concert a toujours besoin d’un son riche, volumineux et précis avec une réverbération latérale prépondérante, et si possible une bonne vue de la scène depuis toutes les places. L’acoustique devient alors un élément essentiel de la musique et du concert !


Un peu d’histoire (et de science)


De tout temps la conception d’une salle dédiée à la musique reste un savant compromis et un défi pour un architecte.

Pour amplifier un son, les Grecs se servaient déjà des propriétés physiques des matériaux, de la connaissance qu'ils avaient acquise sur les phénomènes de résorption et de réfraction des sons, et construisaient des théâtres et amphithéâtres en leur donnant une forme particulière. Ainsi, Leurs amphithéâtres avaient une acoustique très étudiée mais n’étaient pas couvert ce qui simplifiait considérablement les problèmes acoustiques. Le théâtre d'Épidaure est ainsi un témoin de l'avancement des connaissances des grecs en acoustique dès le IVe siècle av. J.-C.


Epidaure.jpg

Le théâtre d'Épidaure

En exemple je donne les arènes de Vérone qui sont le prototype  du théâtre antique redevenu au XXème un lieu de spectacle.

Ce domaine de connaissance restera très longtemps entièrement empirique, basé sur l'expérience des architectes développée par de nombreux essais aboutissant parfois à des échecs, parfois à de grandes réussites pouvant ensuite servir de modèle pour les salles suivantes.

Mais l’acoustique est fortement liée au  genre de musique. Par exemple les chants grégoriens sont  adaptés au temps de réverbération très longs des églises romanes (entre 5 et 10 secs.). Ce temps de réverbération long permet une superposition des notes qui produit des harmonies qui n’existeraient  pas autrement dans les chants grégoriens.

L’exemple inverse, avec la musique baroque, les tempos sont très rapides, le chant et les instruments se combinent d’une façon très complexe. Dans cette musique chaque détail est important et aucune portion ne devrait en masquer une  autre. Ce genre de musique doit être joué dans des salles un peu plus petites (comme la salle de bal rectangulaire d’un palais) avec temps de réverbération de l’ordre de 1.5 à  2 secondes. Il est impossible de jouer cette musique dans une cathédrale sans perte importante de son intelligibilité.

C’est au 18e siècle, avec la montée en puissance de la bourgeoisie qui souhaitait aussi accéder à la musique, que l’on a commencé à construire les grandes salles de concert pouvant accueillir un public important. Dans un premier temps les architectes, pour éviter de mauvaises surprises acoustiques, ont choisi de copier, en les agrandissant, les salons de musiques les plus réputées des palais royaux européens.

Nous arrivons à la fin du 19e siècle, l’orchestre symphonique a considérablement augmenté son effectif en passant d’une trentaine de musiciens du temps de Mozart  à plus d’une centaine avec Verdi. Avec l’amélioration de la performance des instruments cela a permis d’augmenter la taille des salles et d’accueillir un nombre croissant de spectateurs. La musique devient expressive, et avec les sentiments romantiques, elle devient plus émotionnelle. Les temps de réverbération les plus adaptés sont à nouveau un peu plus longs,  (entre 2 et 3 secs) afin de baigner les auditeurs dans une « masse sonore »  favorisant les « mouvements d’âme » si chers aux romantiques.

Il devient alors très vitre évident qu’il y a une limite aux dimensions maximale d’une bonne salle de concert. Plus elle devient immense, plus elle risque d’avoir un temps de réverbération trop long, ou pire encore, un écho qui perturbe l’intelligibilité du son. Et la puissance d’un orchestre symphonique n’est pas extensible, et il reste aussi souhaitable de pouvoir écouter du Mozart sur instrument d’époque dans toute salle de concert.

C'est en 1900 que le physicien américain Wallace Clément Sabine publie l'article 'Réverbération' qui pose les bases de l'acoustique des salles. Lorsqu’un son est émis dans une salle, les ondes sonores se réfléchissent sur ses parois pour parvenir à l’auditeur avec un retard, par rapport à l'onde directe, proportionnel à la distance parcourue. Il résulte de ces multiples réflexions un son continu dont l’amplitude décroît plus ou moins rapidement, c’est cela que l’on appelle la réverbération. Le temps de réverbération est défini par Sabine comme la durée nécessaire pour que l’intensité sonore atteigne un millionième de sa valeur initiale (ce qui correspond à une décroissance de 60 dB) et devient inaudible. Il a aussi inventé une méthode de calcul permettant d’évaluer avec une précision acceptable ce temps de réverbération en fonction du volume de la salle et des matériaux recouvrant toutes ses surfaces. Sabine était cependant déjà conscient que la durée de réverbération n’est pas suffisante pour décrire toutes les qualités acoustiques d’une salle.

C’est seulement à la fin du XXe siècle, qu’à partir de toutes les connaissances accumulées, l’acousticien Leo L. Beranek a dressé une liste de sept qualités nécessaires pour qu'une salle de concert soit bien adaptée :


Les 7 qualités acoustique de Beranek


1.    Réverberance - Réverbération

L’évaluation subjective du phénomène de réverbération, plus la salle est grande plus le temps de réverbération « agréable » pour un certain type de musique peut être élevé.

2.    Loudness – Sensation de puissance

La possibilité pour tous les spectateurs d’entendre les musiciens avec une puissance suffisante. Ce point à évidement moins d’importance pour un concert sonorisé, mais pour la musique instrumentale il vaut mieux ne pas trop s’éloigner des musiciens.

3.    Spaciousness - Sensation d'espace sonore

La proportion de réflexions précoces parvenant latéralement à l'auditeur par rapport à l’ensemble des réflexions (découverte de Michael Barron), pour nos oreilles les réflexions latérales donnent une meilleure information sur les dimensions de la salle.

4.    Clarity - Clarté ou transparence sonore

Le rapport de l'énergie sonore précoce (premières réflexions) sur l'énergie sonore tardive (réflexions tardives +  réverbération).

5.    Intimacy - intimité, sensation de proximité sonore

Le délai temporel de la première réflexion parvenant à l'auditeur par rapport au son direct, un délai cour donne une impression de proximité.

6.    Warmth - Chaleur

Il est préférable d’avoir un temps de réverbération homogène pour toutes les fréquences et  légèrement décroissant pour  les fréquences enlevées.

7.    Hearing on stage - Aptitude pour les musiciens à bien s'entendre.

Seul 'Hearing on stage' n'est pas associé à un critère objectif. Une absence de cette qualité est compensée par les retours de scène lors d’un concert sonorisé, Certaine salle de concert utilisent des réflecteurs suspendu au plafond pour orienter le son vers les musiciens



Les principales familles de salles de concerts


Pour simplifier, en dehors du théâtre antique qui n’est pas exactement une salle puisqu’il n’a pas de toit, il existe quatre formes principales pour les salles de concert,  le « théâtre à l’italienne ». Le modèle « boîte à chaussures », le théâtre en « éventail » ou le plus récent,  en « vignobles ».



La plus ancienne est le théâtre à l’italienne:


et comme son nom l’indique, il n’est pas conçu a priori pour la musique. En général la visibilité est bonne si l’on évite les côtés des balcons et le loges, mais l’acoustique est trop matte pour la musique, le temps de réverbération plutôt court est généralement mieux adapte à la parole, mais il y a des exceptions. L’Opéra Royal de Versailles est un exemple de « petite » taille avec une très bonne acoustique, et l’opéra de Zurich ou le Theatro alla Scala de Milano sont des exemples de grandes salles ou l’acoustique est encore relativement bonne celons l'endroit où vous êtes assis.



Les salles parallèlipédique  en forme de « boîte à chaussures »


Aux XVIIIe et XIVe siècles on construit un peu partout des salles dédiées à la musique, leur forme en « boîte à chaussures » avec une largeur réduite par rapport à leur longueur permet de multiplier les réflexions acoustiques précoces latérales, ce qui est censé apporter une bonne clarté acoustique. Mais avec des volumes de plus en plus ambitieux la durée de la réverbération s’allonge trop et le son devient de plus en plus confus lorsque l’on s’éloigne de l’orchestre. Pour ce qui est de la visibilité,  leur sol généralement plat ne permet qu’aux premières rangées du public de voir correctement la scène. Les exemples (réussis) que je propose sont, le Stadtcasino de Basel et le Victoria Hall de Genève.


On retrouve exactement les mêmes problèmes, réverbération trop longue, son confus, manque de visibilité, dans la plupart des églises de grande taille avec pour exemple le Dom se Salzburg il vaut mieux être dans les dix premiers rangs  pour profiter de la musique.



Les salles en « éventail »


La structure des salles en « éventail » ressemble plus ou moins à celle du théâtre antique, mais avec des murs et un toit, elles sont apparues au moment où les architectes ont cherché de nouvelles solutions pour améliorer le confort visuel des spectateurs en même temps que les qualités acoustique des salles. Le premier modèle du genre a été le Festpielhaus de Bayreuth, conçu pour les besoins de Richard Wagner qui souhaitait que tout le public puisse s’immerger dans le spectacle total de ses opéras. (Pas sur mon site puisque je n’y ai pas encore mis les pieds). Je propose en exemple la Meistersingerhalle von Nürnberg qui correspond à peu près à une structure en éventail.



La révolution des salles « en vignoble »


Avec la construction de la Philharmonie de Berlin de 1961 à 1963 l’architecte Hans Scharoun et l’acousticien Lothar Cremer inventent la salle en « vignoble », ou le public est installé sur plusieurs terrasses, légèrement inclinées, entourant le chef et son orchestre. C’est une nouvelle manière d’appréhender la scène ou le public se trouve le plus près possible des musiciens, tout en optimisant l’utilisation du volume de la salle. C’est aussi la première salle capable de recevoir 2500 spectateurs ou chacun peut profiter pleinement de la perfection musicale de l’orchestre fabuleux qu'est le Philharmonique de Berlin.


sharoun%20berlin.jpg


La philharmonie de Berlin est aussi la première salle où l’on a pensé à créer des sièges qui ont presque la même absorbance acoustique lorsqu’ils sont vides ou occupés par les auditeurs, pour pouvoir garder la même qualité acoustique lors des répétitions et pendant le concert !

L’intuition révolutionnaire de Scharoun et Cremer a depuis fait école, de nombreuses nouvelles salles de concert ont été construite depuis en s’inspirant plus ou moins de la référence absolue qu’est le philarmonique de Berlin.



Les salles d’aujourd’hui

 

Depuis les méthodes de calcul se sont affinées, et des programmes de simulation acoustique prétendent calculer les caractéristiques sonores des salles de concerts, mais cela reste très insuffisant pour réussir l’acoustique parfaite ! Les architectes font donc toujours construire une maquette de grande taille pour faire des mesures réelles et corriger avant la construction ce que les programmes n’ont pas su prévoir. Et pour finir une nouvelle série de mesure dans le local achevé permettra de déceler d’éventuels défauts résiduels qu’il faudra encore essayer de corriger avant l’inauguration.

Pour corriger l'acoustique, on utilise des éléments réflecteurs plant qui forcent le son à se propager dans la direction voulue, des déflecteurs convexes qui font office de diffuseurs, mais aussi des panneaux absorbants. Ces éléments vont permettre de diriger convenablement le son vers l'auditoire, et d'homogénéiser le niveau sonore et la réverbération dans la salle.

L’acoustique idéale est presque une chimère, elle devrait avoir un temps de réverbération assez court pour permettre un jeu rapide et virtuose, mais tout de même suffisamment longue pour lier un peu les notes ! De plus ce compromis du temps peut varier avec le style de musique, sans parler des autres paramètres comme les réflexions primaires etc….

Certaines salles modernes comme le KKL de Luzern en Suisse utilisent donc des panneaux amovibles ou des ouvertures vers des salles annexes qui permettent de moduler plus ou moins les qualités acoustiques de la salle en fonction du type de musique que l’on souhaite jouer, mais cette solution est assez lourde à l’emploi et pas toujours assez efficace

Depuis une vingtaine d’années, il existe aussi des systèmes de correction acoustique électronique qui captent le son avec une batterie de micros, puis grâce à un processeur acoustique numérique (comme le DSP de votre home cinéma) reproduisent sur des haut-parleurs cachées une partie des réflexions latérales ou de la réverbération. Il devient en théorie possible à partir d’une salle ayant une acoustique très neutre au départ de modifier cette acoustique en pressant sur un bouton.



Une "bonne salle" (acoustiquement parlant) doit toujours être bien pensée avant le début de sa construction; parce qu’il est impossible de transformer une salle mal conçue en une salle acoustiquement parfaite !


Je pense que vous comprenez maintenant mon admiration pour le maître maçon du XIVe siècle qui a réussi sans ordinateur, sans maquette ni appareil de mesure à construire une merveille acoustique comme les   Dominicains de Guebwiller. Cette église a une acoustique très particulière qui en fait le Stradivarius de l'art vocal selon Paul Agnew des Arts Florissants. Mon hypothèse sur l’origine de l’acoustique extraordinaire des Dominicains de Guebwiller est expliquée sur le page Hypothèse sur l’acoustique des dominicains de Guebwiller.

 
Je vous invite pour finir à visiter le Philharmonique de Paris, ou nous n'avous toujours pas trouvé l'occasion d'y ecouter un de nos artistes péférés. en théorie lors de sa conception tout a été conçu pour donner naissance à un monument dédié à toutes les musiques et (je l’espère) un nouveau chef d’œuvre acoustique et architectural.


Brigitte Métra, architecte aux Ateliers Jean Nouvel explique le concept de la grande salle symphonique modulable de 2 400 places assises en ces termes «Ce volume fluide tout en courbes enveloppe littéralement son public, suspendu dans la lumière depuis de longs balcons flottants rétractables», Son format est inédit puisqu'il conjugue celui de la «Shoe box» et du «vignoble», déclinés par Jean Nouvel à Lucerne (1998) et à Copenhague (2008). Murs de rubans disposés derrière le public, canopée (réglable)


philharmonie%20de%20Paris%201.jpg
Maquette et concepteurs de la Philharmonie de Paris


Pour des informations plus détaillées sur l’acoustique et l’aménagement d’un local en home cinéma, ou pour écouter correctement les musiques chez soi, rendez-vous sur mon site  Home Cinéma - Next Generation.





 

sphere%20G.gif

Page précédente